Alexandra Sinicki – Un an au Japon

 

Alexandra Sinicki, lauréate 2017 et étudiante à Sciences Po Paris. Durant ses études, elle a effectué une année d’échange au Japon qui l’a profondément marquée.

Passer mon année universitaire à Tokyo au Japon a sans aucun doute été l’un des plus grands défis de ma vie, sans compter qu’elle s’est déroulée au cours de l’année 2020 au milieu de la crise que nous connaissons toujours aujourd’hui. Si j’ai réussi à en tirer le positif, il va de soi que l’expérience aurait été bien différente sans les contraintes surtout psychologiques qu’imposait la pandémie. Il n’en demeure pas moins l’échange le plus enrichissant et challengeant que j’ai pu réaliser, culturellement, académiquement et personnellement. J’ai véritablement découvert une vie universitaire incroyablement riche, dans un pays moderne mais aux traditions historiques, culinaires et sociales fascinantes. Je retournerais y vivre sans la moindre hésitation.

Choisir mon université d’échange dans le cadre de mon Bachelor à Sciences Po a sans doute été le choix le plus difficile que j’ai eu à faire en matière universitaire. Choisir un master est déjà difficile, mais décider où l’on veut passer une année entière de notre vie demande des arbitrages qui doivent être mûrement réfléchis, surtout lorsque, comme moi, on n’a jamais tenté l’expérience.

C’est en réalisant ces petits et grands arbitrages que j’ai finalement décidé de choisir le plus grand extrême : le Japon, le pays (peut-être avec l’Australie) le plus éloigné de ma famille, un pays que je n’avais jamais visité, qui n’était pas nécessairement un rêve avant que l’idée ne me vienne et qu’il en devienne un, avec une langue dont je lisais à peine les caractères les plus primaires en arrivant.

Je n’ai jamais regretté ce choix un seul instant et je parlerai sans doute toujours de cette année d’échange comme l’une des meilleures expériences que j’ai pu vivre. J’ai découvert un système universitaire complètement différent du nôtre, très américanisé où les professeurs se font appeler par leur prénom, se retrouvent dans les bars avec leurs élèves après les cours. En un an, j’ai même appris presque couramment le japonais grâce aux cours intensifs proposés par l’université.

Durant cette année, j’ai découvert une histoire fascinante à laquelle on est souvent très peu introduits en France si l’on suit des études générales. Mais j’ai aussi découvert une culture culinaire exceptionnelle avec des maîtres sushis qui transmettent leur savoir sur des générations, des restaurants de nouilles séculaires cachés entre deux temples, ou des grands-mères qui enseignent à côté du Mont Fuji la préparation de leur typique bouillon de crabe.

Enfin, en réussissant à trouver un travail étudiant – je donnais des cours de français via une application très populaire parmi les japonais – j’ai également pu partir à l’étranger, dans des pays que je n’aurai peut-être jamais pu visiter depuis la France, comme Taiwan et le Vietnam.

Il faut néanmoins garder en tête que le Japon est un pays au climat et aux mœurs très différents du notre, qui peuvent parfois surprendre les étrangers. Les saisons sont par exemple inversées et très marquées, avec une saison des typhons en automne, une saison des pluies en mai/juin, et de fortes chaleurs étouffantes et humides en août. Les Japonais sont aussi des personnes très concernées par les questions de hiérarchie sociale, d’ordre public et de sphère privée et ne s’adresseront pas familièrement à n’importe qui, ni ne montreront de signes d’affection en public par exemple.

Malheureusement, la pandémie a radicalement impacté la deuxième partie de mon échange. Le calendrier universitaire étant inversé au Japon – l’année scolaire commence le 1er Avril, et les grandes vacances ont lieu de février à fin mars – nous avons été encouragés à rester chez nous pendant la moitié de celles-ci.

Cependant, rien n’a pu enlever l’impact psychologique de cette crise sans précédent : devoir vivre à l’autre bout du monde de nos familles restées en Europe. Je tenais à remercier particulièrement mon école et la Fondation pour leur soutien, pour s’être constamment préoccupées de notre bien-être physique et surtout psychologique pendant tous ces mois et pour avoir gardé un contact régulier et humain avec tous les étudiants qu’elles accompagnent. Merci.

Pour conclure, l’année d’échange est, je le crois, une chance qui nous ait laissée de nous confronter au monde et à nous-même, d’ouvrir son horizon personnel et professionnel, de décider d’une carrière pour certains, d’une vie d’expatriés pour d’autres, de (re)découvrir une culture et une langue et, finalement, de grandir sur tous les aspects de manière considérable en quelques mois seulement.

Mars 2021