Alice Salomon

 

Alice Salomon fait partie de la Promotion 2011. Aujourd’hui ouvrière agricole dans le Lot, elle a pour projet de monter sa propre installation agricole. Tutrice d’un Lauréat 2021, elle revient ici sur son parcours de vie, d’études et sur sa vie professionnelle.

Enfant, j’ai été élevée dans la campagne lotoise et mon rêve a toujours été de devenir agricultrice. Toute jeune j’ai commencé à élever mes propres animaux (volailles, lapins), puis à me former auprès de différents agriculteurs de la région pour appréhender au plus vite ce métier. A l’école, les professeurs nous ont dit qu’en travaillant bien on pourrait choisir nos études et notre métier plus facilement, alors je me suis appliquée dès le collège, au petit collège de Salviac, pour pouvoir atteindre mon objectif. 

J’ai poursuivi par un bac S au Lycée Clément Marot à Cahors que j’ai obtenu en 2011. Je m’étais renseignée sur les études agricoles et j’avais repéré des formations qui pouvaient me correspondre mais quand j’ai annoncé aux enseignants que je souhaitais faire un BTS Agricole, ils ont été surpris et quelque peu réticents. J’avais des notes excellentes et ils auraient préféré me voir faire des études plus longues, alors ils ont commencé à me parler d’écoles d’ingénieurs agricoles. Il y avait des écoles d’ingénieurs publiques mais auxquelles on accédait par des classes préparatoires de deux ans et je ne me sentais pas capable de supporter la pression de ces “prépas”. De plus, je n’avais qu’une envie c’était d’être sur le terrain au plus vite : je voulais faire un métier qui s’exerce en plein air au contact de la nature, ce n’était pas pour m’enfermer dans les salles de cours deux ans de plus, je rêvais de faire des stages, des visites sur le terrain et d’avoir des cours techniques. 

C’est alors que j’ai découvert les écoles d’ingénieurs agricoles privées : il y avait l’EI Purpan à Toulouse mais aussi l’ESA d’Angers et l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais qui ont attiré mon attention. Ces écoles proposent une formation en 5 ans avec tout un panel de cours scientifiques et techniques qui balayaient l’ensemble du secteur agricole de façon très large et avec des stages obligatoires chaque année dans des fermes ou dans des entreprises du secteur agricole. De plus on y accédait sur concours et dossier directement après le bac. Ces formations paraissaient taillées sur mesure pour moi : elles me permettraient de découvrir l’agriculture de façon plus large et de développer les connaissances que j’avais commencé à acquérir dans mon département.

Le seul hic c’est que ces formations étaient payantes et coûtaient à ce moment-là entre 4000 et 5000 € par an, en ajoutant à cela les frais de logement, j’arrivais à un budget de 10 000 € par an minimum. Je suis issue d’une famille modeste, ma mère faisait des petits boulots et mon père touchait une petite retraite et cela correspondait à peu près au revenu total de la famille à l’époque. Hors de question donc de débourser de telles sommes pour les études même avec la bourse nationale dont je pouvais bénéficier. 

Nous sommes tout de même allés visiter deux de ces écoles : Purpan à Toulouse et LaSalle Beauvais en Picardie. Mes parents et moi avons tout de suite été conquis, c’était des formations idéales pour moi : j’allais gagner en ouverture d’esprit, en connaissances, en compétences et il y avait une multitude de débouchés possibles.

J’ai été particulièrement attirée par LaSalle Beauvais pour trois raisons. Cette école était située un peu en dehors de la ville, dans la plaine et il y avait une ferme sur place, à deux pas des bâtiments de cours, ce qui me paraissait un atout indéniable pour une école agricole. De plus, elle proposait une spécialité élevage, domaine qui m’intéressait le plus. Enfin, la région Picardie proposait des aides financières très intéressantes : elle prendrait en charge une partie ou la totalité des frais de scolarité la première année, en fonction des notes au bac et l’aide pourrait être maintenue les deux années suivantes à condition de rester dans les 20% meilleurs élèves de la promotion. Il y avait également une aide pour les frais de restauration : la région offrait 100 repas au restaurant universitaire par année pour les boursiers des échelons 4 et plus. Voilà donc une partie des frais qui pouvaient être payés, restait le budget logement à couvrir…

C’est alors que j’ai découvert l’existence de la Fondation Groupe Dépêche, il me semble qu’on a vu un article dans le journal et puis j’ai fait des recherches sur internet et j’ai très vite candidaté. J’avais été très agréablement surprise de découvrir ce type de bourse dans ma région, auprès d’un groupe aussi connu que La Dépêche. A l’entretien, mon projet a plu et j’ai eu le bonheur de décrocher une bourse de la Fondation.

Le financement de ma formation étant assuré, j’ai pu démarrer sereinement ces 5 années d’études. La formation m’a énormément apporté, j’ai gagné en ouverture d’esprit, j’ai découvert l’agriculture du nord de la France, j’ai pu visiter toutes sortes d’entreprises agricoles et agroalimentaires et rencontrer des personnes issues de différents horizons ayant différents projets. Tout au long de mes études j’ai été accompagnée par ma tutrice de la Fondation qui faisait une formation similaire à la mienne et qui a pu me donner de bons conseils et son écoute régulièrement notamment pendant les premières années.

Les différents stages m’ont aussi beaucoup appris : j’ai travaillé dans une ferme en Normandie puis des fermes en Espagne et en Irlande, j’ai passé 3 mois en tant que stagiaire au sein de la coopérative CAPEL dans le Lot, puis j’ai effectué mon stage de fin d’études à la Chambre d’Agriculture du Lot en 2016. Grâce à cette formation j’ai tout de suite décroché mon premier emploi en tant que technicienne ovins viande et équins, dans cette même Chambre d’Agriculture, où je suis restée pendant 2 ans.

Depuis 2018, j’ai choisi de revenir sur le terrain : je travaille en tant qu’ouvrière agricole pour un groupe de 10 agriculteurs, sur le secteur de la Bouriane (ouest du lot). Il s’agit de fermes laitières essentiellement mais aussi d’élevages d’ovins viande ou de bovins viande. J’effectue un travail très diversifié : des soins aux animaux à la conduite du tracteur, en passant par la transformation laitière et la récolte du safran. C’est cette diversité qui me plait ! Ma formation m’a appris à m’adapter, à être à l’écoute des autres et à analyser toutes les situations auxquelles je suis confrontée. La vision très large de l’agriculture que j’ai acquise durant ma formation m’aide à mieux comprendre les problématiques des agriculteurs qui m’emploient et les difficultés auxquelles ils font face. Alors même s’il est vrai que ma formation me permettrait de faire un métier beaucoup plus haut placé ou mieux payé, elle m’apporte énormément dans le poste que j’occupe actuellement et tout ce que j’ai appris me sert à un moment ou un autre.

J’envisage toujours de mener à bien mon projet d’installation agricole et là encore ma formation m’est d’une aide précieuse aussi bien pour le chiffrage du projet que pour les nombreuses démarches administratives, ou pour les aspects techniques de la production agricole.

A présent je suis moi-même tutrice pour un jeune lauréat de la Fondation Groupe Dépêche, mission que j’ai accepté sans hésiter étant donné l’aide considérable que la Fondation m’a offerte. En échangeant avec le jeune que j’accompagne, je me suis rendue compte de tout le chemin parcouru depuis l’obtention de mon bac en 2011 et je suis très contente de toutes ces expériences que j’ai pu acquérir depuis.

Mai 2022