Nicole Belloubet : « La République est à la fois une promesse et une réalité »

DDM DAVID BECUS - NICOLE BELLOUBET NOMMEE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL  PORTRAIT

La Garde des Sceaux et Ministre de la Justice, Nicole Belloubet, est la marraine de ce 10ème Concours Régional d’Éloquence, organisé par la Fondation, en partenariat avec le Conseil Régional d’Occitanie et les rectorats de Toulouse et Montpellier. La finale de ce Concours, qui s’adresse aux élèves de seconde, a eu lieu le 1er Février à Albi sous le thème de la République.

Vous êtes la Marraine de la 10ème édition du Concours Régional d’Éloquence de la Fondation du Groupe Dépêche. L’éloquence justement, le fait de savoir manier le verbe, de bien s’exprimer : est-ce important dans la vie pour réussir ?
Ce n’est pas seulement important, c’est essentiel. Savoir expliquer ce que l’on pense, ce que l’on ressent, convaincre, partager, tout passe par les mots dans la vie personnelle et professionnelle. C’est une des marques de la culture française, l’héritière du monde latin. Savoir utiliser les mots les plus justes, c’est user de cet esprit de nuances qui finalement caractérise l’esprit français. Mais l’éloquence ne doit pas être non plus creuse et mécanique. Elle doit servir une pensée construite et fondée sur des arguments. Elle doit convaincre et non chercher à écraser.

Le thème du Concours 2018 est « La République ». Pour vous, qui êtes Garde des Sceaux aujourd’hui et qui avait été membre du Conseil Constitutionnel, que représente la République ?
La République est une promesse et une réalité. Elle est la promesse de la justice. Nous ne pouvons pas vivre ensemble sans la justice. Rien ne résume mieux la République que sa devise : Liberté, égalité, fraternité. Je ne peux voir ces trois mots écrits au fronton de nos écoles sans ressentir l’immensité de la tâche que nous devons accomplir pour que ces mots prennent corps chaque jour dans la vie de tous les citoyens.

Vous préparez, à la demande du président Macron, un projet de loi pour lutter contre les fake news en période électorale. Ces fake news, qui sont amplifiées par les réseaux sociaux, menacent-elles réellement notre démocratie ?
Le gouvernement prépare effectivement un texte sur cette question. La Chancellerie y travaille avec le Ministère de la Culture. Ces fake news peuvent réellement menacer notre démocratie. On a pu mesurer leurs effets sur la campagne présidentielle américaine. Les citoyens doivent faire des choix politiques éclairés. C’est l’idéal des Lumières et finalement l’idéal français. Ils doivent être mis en situation de ne pouvoir être ni influencés, ni manipulés.

Comprenez-vous ceux qui sont inquiets de savoir à qui reviendra la responsabilité d’établir ce qui est une information valable et ce qui relève de la fake news ?
Le gouvernement prend naturellement en considération ces préoccupations. Il s’agit pour nous de construire une loi sur la fiabilité de l’info en adaptant la loi de 1881 à la situation actuelle, de lutter contre la viralité des fausses infos notamment en prenant appui sur le juge. Nous travaillons à un texte équilibré qui apportera toutes les garanties nécessaires. Le Parlement en sera saisi et le débat sur ce texte sera tenu publiquement.

Vous qui avez été Professeure des Universités, Rectrice de l’Académie de Toulouse, mais aussi Maire-Adjointe et Vice-Présidente de Région, l’école doit-elle aussi évoluer pour mieux former les élèves, citoyens de demain, à détecter les fake news et exercer leur esprit critique ?
Vous avez raison. L’enjeu est bien l’esprit critique. Pour reprendre votre première interrogation l’esprit critique, est une des conditions de réalisation de la République. Mon collègue, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale, partage naturellement cette préoccupation. La construction de l’esprit critique passe par la capacité à maîtriser les techniques modernes – ce qui est le cas aujourd’hui pour tous les enfants –, mais aussi à en décrypter les enjeux, les pièges et les opportunités. Les humanités ont évidemment un rôle crucial à jouer.

À quelques heures du Concours, quels conseils donneriez-vous aux jeunes participants qui vont devenir étudiants ?

Soyez avides d’apprendre, de travailler, de comprendre. Soyez curieux, ouverts au monde et aux autres. Profitez de ces années de construction intellectuelle pour saisir toutes les opportunités qui sont devant vous. L’avenir est entre vos mains.